On s’en remet une couche? (La fausse vraie couche)

La fausse vraie couche

Bonjour, Bonjour, Bonjour, 

Je voudrais aujourd’hui vous parler d’un sujet qui revient très souvent en cabinet, et jamais autour de moi…

Le sujet est déjà en soi un problème, la fausse couche… Ce nom induit la suite de mon propos. Ici Je ne parle pas d’avortement, je parle exclusivement de subir une interruption de grossesse précoce, car le souhait de vouloir continuer cette grossesse fait que l’impact sera complétement différent, même si certaines similitudes peuvent apparaitre…

Bref la fausse couche…Si mal nommée!!!

Cet accouchement n’est pas faux, cette grossesse n’est pas fausse, et ce bébé n’est pas faux. Peu importe le terme auquel cette grossesse s’arrête, elle a existé, et parfois le lien s’est créé très très rapidement.

Je fais partie de ces femmes qui savent qu’elles sont enceintes au bout de 15 jours, et qui investissent immédiatement et totalement leur grossesse.

Je pense réellement qu’une grossesse interrompue, peu importe le terme, aurait été au-delà du supportable pour moi.

Je ne connais pas la douleur de perdre son enfant, et je ne peux parler qu’en mon nom, celui d’une personne qui par maladresse à eu des mots qui aujourd’hui je le vois ont blessé, et je commencerais donc ici, en m’excusant auprès de toutes les personnes qu’en voulant réconforter, j’ai blessé, et en m’excusant également au nom de cette société qui aujourd’hui ne reconnaît pas cette douleur à son juste niveau.

Aujourd’hui, je reçois beaucoup de femmes en cabinet qui expriment cette douleur, souvent tue des années, souvent honteuse, souvent minimisée. Et pourquoi ne serait-elle pas minimisée? Pas de d’existence légale, pas d’arrêt de travail, pas de sépulture, souvent pas même une boîte, cet espoir de vie, cet embryon, ce bébé, part à la poubelle ou dans les toilettes.

Lors des premiers récits, je suis tombée des nues! Comment en 2022 peut on recevoir une femme dont on sait le bébé mort in utéro dans un service de maternité?

Comment peut-on la laisser repartir, sans arrêt de travail, avec une pilule qui va déclencher un vrai travail d’accouchement?

Comment peut t’on lui demander de tirer la chasse d’eau?

Je suis outrée, scandalisée, je suis triste et tellement désolée pour ces femmes, qui parfois se sont trouvées seules, saignant abondamment, se mordant la main pour ne pas hurler de douleur dans les toilettes de leurs bureaux.

Pour certaines femmes enceintes, le lien ne se tissera qu’à la naissance, et ces grossesses interrompues peuvent donc n’être qu’une épreuve médicale.

Mais pour d’autres femmes enceintes le lien se fait immédiatement, et comme je l’ai déjà dit ce n’est pas le deuil de la personne que l’on fait,  c’est le deuil du lien, et alors lorsque l’on perd un enfant in utero, il y a bien un processus réel de deuil qui se fait.

Pour certaines femmes, entendre qu’elles ont le droit de souffrir de l’interruption de cette grossesse c’est accepter de faire quelque choses que finalement la société, le corps médical et parfois l’entourage leur à interdit, en niant jusqu’à l’existence de ce lien quand cet événement est arrivé tôt dans la grossesse.

Il faut accepter de faire le deuil de ce bébé que l’on a fantasmé, que l’on a imaginé.

Il faut accepter de faire le deuil de cette grossesse, il faut accepter le fait d’être traumatisée par ce qui s’est passé. Il faut accepter parfois d’être la maman d’un enfant décédé.

Pour la plupart des femmes que je reçois, ce sont des traumatismes qui les poursuivent, ce sont des images,des angoisses…

Ce sont aussi des émotions telles que la culpabilité la colère la tristesse la peur qui ne sont pas évacuées car personne n’est là pour les recevoir!

Il n’y a aucune prise en charge psychologique à la suite d’une interruption de grossesse sauf si vous dépassez un certain terme. Et parfois la maman n’a pas eu le temps d’annoncer sa grossesse qu’elle se termine déjà. Le fait qu’un tabou empêche d’aborder le sujet naturellement ne permet pas à l’entourage d’être soutenant, même si il le voudrait…

Le couple se retrouve donc seul face à cet événement majeur dans leur vie car non ce n’est pas banal, car non ce n’est pas anodin, car non mettre son enfant dans les toilettes n’est pas un geste qu’une maman devrait avoir à faire et surtout ça laisse des images qui peuvent hanter le quotidien.

Ce qu’il faut entendre aussi c’est qu’il y a beaucoup de femmes qui ne font pas qu’une seule interruption de grossesse, certaines femmes sont par exemple dans des parcours PMA depuis plusieurs années et se retrouvent à perdre des bébés  encore et encore et encore…

Chaque grossesse est un nouvel espoir, un nouveau lien et un nouveau deuil et la tentation est grande d’interroger le souhait d’enfants de ces femmes… 

S’il y a quelque chose que je connais c’est le désir d’enfant : cet espèce de désir animal qu’on ne contrôle absolument pas, qui vous ronge, qui vous prend et qui vous permet de subir encore et encore ces épreuves sans aucune garantie de résultat.

Ce désir les transcendent, elles n’ont pas le choix.

Et parfois cette grossesse qui s’arrête bouscule aussi le couple, la fratrie, l’entourage.

Et aujourd’hui les chiffres (1) sont clairs à la suite d’une interruption de grossesse, 1 femme sur 100 fera une dépression, près de 30% souffrent d’un stress post traumatique 1 mois après et 23% subissent encore une anxiété forte liée à cet évenement 9 mois après!

Prendre conscience que ce n’est pas anodin, que l’on a droit de souffrir de la perte d’un embryon est essentiel pour ne pas porter ça seule dans son quotidien ou dans ses futures grossesses!

Le compagnon ou la compagne peuvent également porter le poids de ce deuil sans pouvoir en parler, car on ne parle de ce qui n’a pas d’importance.

Et surtout, on ne veut pas réveiller la douleur de l’autre.

Il est urgent de libérer la parole autour du deuil périnatal mais également autour de ce deuil d’interruption précoce de la grossesse.

Aujourd’hui c’est une des questions que je pose systématiquement aux femmes qui viennent me voir, car a force de leur dire qu’elles n’ont pas le droit de parler de ce sujet, elles ont fini par dissocier totalement cet événement majeur finalement de leurs vie, de leur maux actuel.

Mais le corps n’oublie pas, et les émotions si elles ne sont pas exprimées ressortent plus fortes et n’importe comment…

L’hypnose mais surtout l’accueil de ces émotions,dans la bienveillance et sans aucun tabou permet souvent d’apaiser les choses, de continuer son chemin quel qu’il soit un peu plus léger.

Je suis à votre disposition si vous souhaitez échanger à ce sujet…

Belle journée à vous.

Marie

Source:(1) Farren J, Jalmbrant M, Ameye L, et al. Post-traumatic stress, anxiety and depression following miscarriage or ectopic pregnancy: a prospective cohort study. BMJ Open 2016;6:e011864. doi:10.1136/bmjopen-2016- 011864

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5129128/pdf/bmjopen-2016-011864.pdf

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